jeudi 25 mai 2017

Le Cameroun c'est le Cameroun -12-

Dans la série des inventions géniales qui finissent par vous pourrir la vie, il y a la moustiquaire.

La mienne est bleue. En nylon.

Le principe d’une moustiquaire est en théorie de délimiter un espace entre le moustique et vous. Lui à l’extérieur, vous à l’intérieur, protégé des piqures et surtout (surtout !) des vrombissements de la bestiole autour de vos oreilles. Sauf que. De la théorie à la pratique, il y a un fossé de petits accrocs à colmater et de tissu à coincer sous le matelas.

J’ai bien observé ma moustiquaire, elle a deux petits trous. Pas trois. Juste deux, plus petits que l’ongle de mon petit doigt mais qui, pour un moustique, ressemblent à l’entrée principale du Taj Mahal. 

Depuis que je suis ici, je cherche le meilleur moyen de les colmater. (Je n’avais évidemment pas pensé, en préparant mes bagages, à glisser dans ma valise du fil et une aiguille. Je vais rajouter cela sur la liste-des-objets-indispensables-à-n’oublier-sous-aucun-prétexte pour la prochaine fois, s’il y a une prochaine fois.) 

J’ai essayé de tendre assez la moustiquaire pour que les trous se retrouvent coincés sous le matelas, mais ils sont situés juste trop haut. Et chacun d’un côté opposé, ce qui m’empêche de tirer plus d’un côté que de l’autre pour colmater les brèches. 

J’ai essayé de poser mes deux oreillers verticalement contre les trous, mais l’installation ne tient pas la nuit entière et je n’arrive pas à dormir sans oreiller.

J’ai essayé de colmater les trous avec des boulettes de papier toilette, mais mes gigotages nocturnes les font tomber avant l’aurore. 
C’est finalement ma crise de malaria qui m’a apporté la solution : le médecin avait dû acheter du coton pour me désinfecter la fesse avant de m’administrer les piqures salvatrices, et les boulettes que j’ai fabriqué avec le reste d’ouate tiennent dans l’orifice jusqu’au petit matin. 

Le problème des trous résolus, je pensais pouvoir compter sur des nuits tranquilles. Encore faut-il pouvoir se coucher. Ma moustiquaire bleue est juste trop courte pour vraiment bien tenir coincée sous le matelas. Ou alors elle a juste été fixée un peu trop haut au plafond. Toujours est-il que tous les soirs, je passe un certain temps à tenter de la coincer correctement sous mon matelas, de manière à ne laisser aucune interstice au passage des vrombisseurs. Je fais le tour du lit, en insérant bien la toile entre le matelas et le sommier, tout en laissant juste assez de place pour pouvoir me glisser à l’abri sous le nylon bleu et colmater les derniers centimètres de l’intérieur de mon lit.

Ce qui semble en théorie facile s’avère un défi à relever tous les soirs. Dès que je commence à m’introduire sous la moustiquaire, l’un des angles se relève et laisse une béance à la disposition de qui voudra y passer pour venir festoyer de mon sang. Je m’efforce donc de recommencer, de coincer mieux le coin récalcitrant, et je retente le passage sous l’abri. C’est généralement là que l’une des boulettes de coton hydrophile tombe. À l’extérieur du lit évidemment. M’obligeant à ressortir pour tout recommencer. Et quand enfin après trois ou quatre allers et venues dedans-dehors je m’allonge en sueur, c’est pour constater que j’ai oublié de régler l’alarme de mon téléphone portable qui me nargue sur le bureau. C’est donc reparti pour une séance de « je me glisse sous la moustiquaire, je râle parce qu’elle s’est soulevée du matelas, je la remets en place, je tente de me faufiler dans le lit sans la déplacer, ça se décoince ailleurs je recommence et je me couche finalement en sueur ».

Le pire, c’est que malgré toutes ces précautions, je me réveille tous les matins constellée de nouvelles piqures. De magnifiques bubons rouges qui décorent ma peau comme autant de bijoux provisoires. Et qui démangent. Moi qui ne suis d’habitude pas très sensible aux attaques des moustiques, ceux d’ici me laissent de terribles protubérances sur la peau qui peinent ensuite à cicatriser. 
Je me désespère chaque matin en me demandant comment ces foutus insectes ont réussi à pénétrer dans mon abri que j’ai pourtant si soigneusement et hermétiquement fermé. J’inspecte, j’observe, j’étudie, je réfléchis, mais je ne trouve pas. Les moustiques doivent posséder la clé d’une entrée secrète qui leur permet de venir festoyer dans mes veines sans que je ne réussisse à trouver où se cache leur passage secret.

Ce matin, j’ai constaté que le banquet s’était déroulé sur mon bras gauche. Me découvrant au réveil maugréante devant mon café fumant, le régisseur d’OTHNI me demande la cause de ma mauvaise humeur matinale. (Il avait pris soin d’attendre que ma tasse de café soit vide pour me poser la question, il me connaît maintenant et sait que les questions posées avant la dégustation totale de mon premier café restent au mieux sans réponse ou s’attirent des marmonnements grincheux).

Dépitée, je lui raconte ma moustiquaire juste trop courte pour tenir correctement sous le matelas, ma lutte vespérale et quotidienne contre les interstices, mon impression de réussir à coincer correctement la protection, mon incapacité à trouver le matin où se situe le passage et les ravages des suceurs de sang. Et je lui montre mon bras. Sa réponse tombe instantanément :
« Ah mais ça c’est pas des piqures de moustiques, ça c’est des puces de lit, fallait le dire, on va traiter ton matelas, tu n’auras plus de problèmes ».

Me voici donc rassurée, ma technique de lutte contre les envahisseurs était donc bonne, et les attaques ne provenaient pas de l’extérieur. L’ennemi, comme souvent, était à l’intérieur !


Le Cameroun c’est le Cameroun… 

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