J’ai
abandonné le combat. Moi qui ai pourtant l’esprit de compétition chevillé au
corps, mauvaise perdante comme on en fait peu, j’avoue ma défaite, l’adversaire
peut savourer sa victoire, je dépose les armes.
Tout a
commencé il y a trois jours. Ou trois nuits devrais-je écrire. Au moment d’aller
me coucher, la tête un peu embrumée par une journée à plancher sur ce texte que
je suis censé écrire et qui ne veut pas s’écrire, j’entends un bruit suspect.
Habituée aux lézards qui gambadent au plafond jour et surtout nuit, je lève la
tête mais ne distingue aucun gecko baladeur. Je me glisse sous la moustiquaire et
éteins. Dans l’obscurité le doute n’est plus permis, quelque chose ou quelqu’un
fouille dans mes affaires. Je rallume. Personne. Evidemment personne.
La chambre
n’est pas assez grande ni assez meublée pour qu’un quelconque rôdeur puisse s’y
cacher, et tout est sécurisé ici cesse donc ta parano de stupide Blanche
angoissée m’admonesté-je en éteignant à nouveau la lumière. Sitôt la chambre
plongée dans le noir, le bruit recommence. Plusieurs fois ainsi, j’éteins et je
rallume sans rien apercevoir. Je peaufine ma technique. Eteins en laissant la
main sur l’interrupteur, attends plus longtemps avant de rallumer… A force d’obstination,
j’ai gagné la première bataille. Cette nuit-là, après de longues minutes à
jouer à « j’allume-j’éteins », je me suis trouvée face à l’ennemie.
Prise en flagrant délit de vagabondage au sommet de la
télé-qui-ne-fonctionne-pas placée face à mon lit. Immobile dans la lumière qui
venait de se rallumer, la moustache à peine frémissante, j’ai eu l’impression
que cette souricette entamait une partie de « un-deux-trois-soleil »
tant elle semblait changée en statue de sel !
Je pensais
avoir triomphé de l’impertinente, et que la peur éprouvée à se voir ainsi prise
en flagrant délit dans la lumière du néon suffirait à la faire fuir. Je ne me
doutais pas que ce n’était que le début du combat.
A partir de
ce moment-là mes nuits se sont changées en enfer. On imagine mal le bruit que
peut faire une seule petite souris bien décidée à trouver quelque chose à se
mettre sous la dent. Déterminée à convaincre le rongeur d’aller aiguiser ses
incisives sous d’autres cieux je suis partie en chasse de tout ce qui pourrait
l’intéresser. Ai rangé tous mes papiers. Pour constater qu’elle s’en était
prise à mon paquet de cigarettes. Puis au reste du paquet de chewing-gums
acheté avant le départ pour combattre les bourdonnements d’oreilles au
décollage. Ce qui dénote au passage d’un souci de l’hygiène dentaire et de l’haleine
fraîche même chez les souris, si j’en crois l’ordre dans lequel elle s’en est
prise à mes affaires, les cigarettes d’abord, le chewing-gum ensuite.
Puis ce fut
le tour de la plaquette de Paracétamol, l’excès de fumée qui lui avait donné
mal à la tête peut-être… Ainsi, depuis trois nuits, je somnole à coup de « j’allume-j’éteins »
pour planquer au fur et à mesure ce qui devient cible de l’avidité des incisives
de ma squatteuse.
Il faut
dire que depuis la seconde nuit, j’hésite. Dénoncer la fauteuse de trouble
équivaut à la condamner à une mort certaine à coup de mort-aux-rats ou de tout
autre produit anti-nuisibles. Et mon petit cœur sensible d’occidentale
biberonnée à la propagande Végan hésite à condamner ainsi cette souris
finalement charmante si l’on excepte sa propension à vivre quand je voudrais
dormir.
Hier soir,
rentrée plus tard que d’habitude, un peu plus « abièrée » que d’habitude
(on ne boit pas de vin ici, pas question donc de finir avinée !), la tête
pleine d’une longue conversation sur l’art, la création, l’écriture, le théâtre,
les relations humaines, le mensonge et le prix de la bière, j’ai donc déposé
les armes. Dans un long discours dont je ne saurai jamais si Dame souris l’a
entendu au fond de son trou, je lui ai expliqué qu’elle pouvait cette nuit
faire ce qu’elle voulait. Manger ce qu’elle voulait, que j’étais fatiguée et
que je n’allumerais pas pour soustraire quoi que ce soit à sa gourmandise. Qu’il
fallait qu’elle en profite parce que c’était sans doute sa dernière nuit. Que
demain matin je la dénoncerais et la livrerais à son bourreau.
Et je me
suis endormie. J’ai ronflé (ai-je ronflé ? la dernière personne à avoir
durablement partagé ma couche m’assurait que je ronflais lorsque j’avais picolé,
ce que j’ai toujours tenu pour un mensonge éhonté) et me suis réveillée ce
matin sans qu’aucun bruit suspect n’ait troublé mon sommeil, ni qu’aucune trace
du passage de la souris ne dénonce une quelconque visite nocturne. Pas le
moindre petit tas de papier grignoté, pas la moindre crotte luisante ne
dénonçant son passage.
Du coup ce
matin, j’ai craqué. N’ai rien dit, ne l’ai pas dénoncée. La souris a gagné.
Elle pourra continuer à venir me rendre visite la nuit, je préfère garantir mon
sommeil en allant boire quelques bières bien glacée avec les amis plutôt que de
la dénoncer.
Le Cameroun
c’est le Cameroun…
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