jeudi 26 juillet 2018

Le Cameroun c'est le Cameroun -18-


J’ai abandonné le combat. Moi qui ai pourtant l’esprit de compétition chevillé au corps, mauvaise perdante comme on en fait peu, j’avoue ma défaite, l’adversaire peut savourer sa victoire, je dépose les armes.

Tout a commencé il y a trois jours. Ou trois nuits devrais-je écrire. Au moment d’aller me coucher, la tête un peu embrumée par une journée à plancher sur ce texte que je suis censé écrire et qui ne veut pas s’écrire, j’entends un bruit suspect. Habituée aux lézards qui gambadent au plafond jour et surtout nuit, je lève la tête mais ne distingue aucun gecko baladeur. Je me glisse sous la moustiquaire et éteins. Dans l’obscurité le doute n’est plus permis, quelque chose ou quelqu’un fouille dans mes affaires. Je rallume. Personne. Evidemment personne.

La chambre n’est pas assez grande ni assez meublée pour qu’un quelconque rôdeur puisse s’y cacher, et tout est sécurisé ici cesse donc ta parano de stupide Blanche angoissée m’admonesté-je en éteignant à nouveau la lumière. Sitôt la chambre plongée dans le noir, le bruit recommence. Plusieurs fois ainsi, j’éteins et je rallume sans rien apercevoir. Je peaufine ma technique. Eteins en laissant la main sur l’interrupteur, attends plus longtemps avant de rallumer… A force d’obstination, j’ai gagné la première bataille. Cette nuit-là, après de longues minutes à jouer à « j’allume-j’éteins », je me suis trouvée face à l’ennemie. Prise en flagrant délit de vagabondage au sommet de la télé-qui-ne-fonctionne-pas placée face à mon lit. Immobile dans la lumière qui venait de se rallumer, la moustache à peine frémissante, j’ai eu l’impression que cette souricette entamait une partie de « un-deux-trois-soleil » tant elle semblait changée en statue de sel !

Je pensais avoir triomphé de l’impertinente, et que la peur éprouvée à se voir ainsi prise en flagrant délit dans la lumière du néon suffirait à la faire fuir. Je ne me doutais pas que ce n’était que le début du combat.

A partir de ce moment-là mes nuits se sont changées en enfer. On imagine mal le bruit que peut faire une seule petite souris bien décidée à trouver quelque chose à se mettre sous la dent. Déterminée à convaincre le rongeur d’aller aiguiser ses incisives sous d’autres cieux je suis partie en chasse de tout ce qui pourrait l’intéresser. Ai rangé tous mes papiers. Pour constater qu’elle s’en était prise à mon paquet de cigarettes. Puis au reste du paquet de chewing-gums acheté avant le départ pour combattre les bourdonnements d’oreilles au décollage. Ce qui dénote au passage d’un souci de l’hygiène dentaire et de l’haleine fraîche même chez les souris, si j’en crois l’ordre dans lequel elle s’en est prise à mes affaires, les cigarettes d’abord, le chewing-gum ensuite.

Puis ce fut le tour de la plaquette de Paracétamol, l’excès de fumée qui lui avait donné mal à la tête peut-être… Ainsi, depuis trois nuits, je somnole à coup de « j’allume-j’éteins » pour planquer au fur et à mesure ce qui devient cible de l’avidité des incisives de ma squatteuse.

Il faut dire que depuis la seconde nuit, j’hésite. Dénoncer la fauteuse de trouble équivaut à la condamner à une mort certaine à coup de mort-aux-rats ou de tout autre produit anti-nuisibles. Et mon petit cœur sensible d’occidentale biberonnée à la propagande Végan hésite à condamner ainsi cette souris finalement charmante si l’on excepte sa propension à vivre quand je voudrais dormir.

Hier soir, rentrée plus tard que d’habitude, un peu plus « abièrée » que d’habitude (on ne boit pas de vin ici, pas question donc de finir avinée !), la tête pleine d’une longue conversation sur l’art, la création, l’écriture, le théâtre, les relations humaines, le mensonge et le prix de la bière, j’ai donc déposé les armes. Dans un long discours dont je ne saurai jamais si Dame souris l’a entendu au fond de son trou, je lui ai expliqué qu’elle pouvait cette nuit faire ce qu’elle voulait. Manger ce qu’elle voulait, que j’étais fatiguée et que je n’allumerais pas pour soustraire quoi que ce soit à sa gourmandise. Qu’il fallait qu’elle en profite parce que c’était sans doute sa dernière nuit. Que demain matin je la dénoncerais et la livrerais à son bourreau.

Et je me suis endormie. J’ai ronflé (ai-je ronflé ? la dernière personne à avoir durablement partagé ma couche m’assurait que je ronflais lorsque j’avais picolé, ce que j’ai toujours tenu pour un mensonge éhonté) et me suis réveillée ce matin sans qu’aucun bruit suspect n’ait troublé mon sommeil, ni qu’aucune trace du passage de la souris ne dénonce une quelconque visite nocturne. Pas le moindre petit tas de papier grignoté, pas la moindre crotte luisante ne dénonçant son passage.

Du coup ce matin, j’ai craqué. N’ai rien dit, ne l’ai pas dénoncée. La souris a gagné. Elle pourra continuer à venir me rendre visite la nuit, je préfère garantir mon sommeil en allant boire quelques bières bien glacée avec les amis plutôt que de la dénoncer.
Le Cameroun c’est le Cameroun…

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