dimanche 9 avril 2017

Le Cameroun c'est le Cameroun -2-

L’institut Goethe de Yaoundé, vitrine de la Germanie au Cameroun, est l’une des « place to be » du milieu artistique de Yaoundé. Sa programmation culturelle attire le chaland, et les spectacles sont souvent très courus, certaines mauvaises langues s’empressant d’ajouter que c’est plus le drink gratuit à la fin de la prestation que la qualité de l’offre culturelle en elle-même qui attire les foules. 

La « salle de spectacles » de l’institut est en fait située dans la cour intérieure du bâtiment. Une belle scène couverte d’un grand toit de tôle ondulée, tandis que les spectateurs sont assis au grand air. J’y suis pour un spectacle de danse, dont c’est la grande première. À notre arrivée, le personnel de l’institut est en train de se battre avec l’installation d’un groupe électrogène, le quartier pourtant huppé de Bastos dans lequel se situe le Goethe ayant été victime d’un délestage. Pas de chance, le groupe électrogène du lieu supposé prendre le relais en cas de coupure de courant vient justement de tomber en panne, il a fallu courir dans toute la ville pour en dénicher un autre et l’installer, d’où le retard. Le régisseur du spectacle grogne, raconte que sa création lumière était magnifique, qu’elle comportait vingt-deux projecteurs, et que le groupe électrogène n’en supporte que quatre, que son travail est ruiné, que vraiment…

Enfin, le spectacle peut commencer, avec une bonne demi-heure de retard, ce qui tient presque de l’exploit vu la situation. Les jeunes danseuses assurent, le spectacle est de haut niveau. Après trente minutes de prestation, va-t-en savoir pourquoi, une alarme se met à retentir. Puissante. Couvrant en partie le son de la musique jouée en live par deux percussionnistes. Les danseuses s’accrochent, continuent comme si de rien n’était. Le vacarme durera dix bonnes minutes, puis s’arrête net comme il a commencé. 

Le spectacle va son petit bonhomme de chemin, je replonge avec délice dans l’ambiance si particulière des salles de spectacles camerounaises. Le public donne de la voix, apostrophe les artistes, commente, répond au téléphone parfois. On est bien loin des atmosphères feutrées, pour ne pas dire quelquefois compassées, des salles de spectacles européennes. 

Une dizaine de minutes avant la fin du spectacle, un hôte surprise s’invite dans la cour du Goethe : l’orage tropical. En un instant il se met à tomber des trombes d’eau sur la tête du public qui, ni une ni deux, se précipite sur le mètre cinquante d’avant-toit qui déborde de la scène, grimpe même sur le plateau pour se mettre à l’abri des trombes d’eau. Massés ainsi à quelques centimètres des danseuses, la pluie sur la tôle ondulée répondant au rythme des percussions, les artistes imperturbables continuent leur prestation comme si tout était normal. Comme si elles ne devaient pas compter avec un espace réduit à cause de la foule des spectateurs agglutinés autour d’elles, comme si les percussionnistes placés sur le côté de la scène ne devait pas faire attention de ne pas heurter malencontreusement un spectateur d’un geste de bras un peu trop énergique en jouant.

C’est aussi cela être artiste au Cameroun : affronter, assumer, serrer les dents et continuer. « Boxer la situation », dirait Dieudonné Niangouna.


Le Cameroun c’est le Cameroun…

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