jeudi 20 avril 2017

Le Cameroun c'est le Cameroun -6-

Je me suis toujours vantée avec orgueil d’être peu pénible question alimentation… Je mange de tout, rien ne me rebute et c’est ma fierté. Au fil du temps, mes diverses pérégrinations africaines m’ont pourtant mise à l’épreuve. On m’a servi des tripes à la camerounaise. J’ai mangé. On m’a servi des brochettes d’escargots grillés. J’ai mangé. On m’a servi du ragoût de singe. J’ai mangé. On m’a servi des pieds et des cous de poulet. J’ai mangé. On m’a servi une potée de chenilles. J’ai mangé. On m’a servi de la pâte de fourmis rouges. J’ai mangé. On m’a servi de l’hippopotame, du porc-épic, du buffle, du crocodile. J’ai mangé.

Ici, nous avons la chance d’avoir Belinda. Impératrice des fourneaux, son petit dernier âgé de huit mois accroché à la taille, elle nous concocte chaque jour un repas de midi royal. Belinda sait apprêter les délicieuses spécialités camerounaises comme personne, et depuis que l’atelier a commencé j’ai l’impression de réaliser un tour du Cameroun gastronomique selon que le plat qu’elle nous a mijoté provient du nord, du sud, du centre ou de l’ouest du pays ! Mes stagiaires et moi apprécions à sa juste mesure le privilège de pouvoir interrompre notre travail pour nous précipiter sur un repas chaud qui n’attend que nous avant de nous remettre à élucubrer sur les divers aspects de cet art si protéiforme de la mise en scène. La bonne ambiance de travail qui règne dans l’atelier doit beaucoup à Belinda et à sa cuisine, car on sous-estime souvent le rôle de ces moments de partage hors plateau dans la réussite d’un projet théâtral quel qu’il soit. Ne pas avoir à se préoccuper de ce qu’on mange le midi, ne pas avoir à courir durant la courte pause que nous nous accordons pour trouver un petit quelque chose à se mettre sous la dent est un réel luxe, et ce n’est pas le moindre de ceux que propose Othni, le centre de résidence où je suis logée et où je travaille. Tout ici est pensé pour le bien des artistes et pour que leur énergie soit toute entière tendue vers le travail. Je connais bien des lieux en Europe qui se revendiquent centres de résidences et qui ne peuvent en dire autant.

Jusqu’à aujourd’hui, le seul reproche que j’aurais pu a dresser à Belinda serait peut-être de trop bien nous nourrir et de favoriser parfois une certaine somnolence lors de la reprise du travail. Sans parler de la douloureuse question des bonnes résolutions prises avant mon départ et de ce fameux régime que je repousse sans cesse, ne remuons pas le couteau dans une plaie béante, n’est-ce pas… Mais aujourd’hui malheureusement, j’ai atteint mes limites en matière de gastronomie. Aujourd’hui je sais que je ne pourrai plus jamais dire que je mange de tout. Car même sous la torture, je n’ai pas réussi à aller au-delà de trois bouchées du plat que Belinda avait préparé. 

À la première fourchette que j’ai enfourné, j’ai senti la salive acide annonciatrice des grands renvois m’envahir l’arrière-gorge. À la seconde, mon estomac a été pris de spasmes. À la troisième, que j’ai pourtant essayé d’avaler tout rond, j’ai su que ça ne serait pas possible. Que ça ne passerait définitivement pas. Même pour ne pas froisser la cuisinière et faire honneur à son travail.

Aujourd’hui, au menu, il y avait des haricots verts…


Le Cameroun c’est le Cameroun… 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire