lundi 1 mai 2017

Le Cameroun c'est le Cameroun -8-

Nous ne sommes pas égaux face à la maladie. J’ai pu constater cette semaine combien ce dicton s’avère vrai dès qu’on se trouve dans un pays étranger.

Balayée par une sévère crise de paludisme qui m’a laissée sur le flanc, avec une fièvre frôlant par moments les 41°, j’ai pu apprécier combien mon statut de Blanche m’a à la fois servi dans mon accès aux soins et desservi dans ma lutte contre le mal.

La plupart de mes amis Africains, qu’ils soient originaires du Cameroun, du Burkina Faso, du Congo Brazzaville, de la RDC ou d’ailleurs souffrent périodiquement de crises de palu. Je ne pense pas qu’aucun d’eux en soit affecté autant que je l’ai été. Au point que pour la première fois de ma vie, j’ai dû annuler une journée de répétitions. Depuis que je fais du théâtre, j’ai été amenée à répéter dans des états parfois seconds. Avec une angine infectieuse, avec un pied cassé, avec divers maux et virus que j’ai toujours combattus vaille que vaille, brave petit soldat dévoué à la cause théâtrale. Mais là rien à faire. Le premier jours j’ai résisté. Le second, j’ai déposé les armes. Tremblante, suante de fièvre, les muscles tétanisés, l’estomac en vrac, je ne tenais tout simplement plus debout. J’ai dû me faire une raison et dire à mes stagiaires de rester chez elles. L’une d’elles a d’ailleurs eu une réaction qui m’a beaucoup interpellée, me disant au téléphone qu’elle en voulait à son pays de m’avoir contaminée, et que ce n’était pas normal que je vienne ici pour attraper une maladie. Comme si le pays était responsable du fait que je me tape une crise de palu alors que tout le monde ici en a régulièrement. Comme si les virus se devaient d’appliquer la préférence nationale !

Malade donc, ce que j’avais d’abord pris pour un début de grippe attrapée lors de ma fameuse nuit au stade à attendre sous la pluie l’arrivée de Maître Gims s’est avéré être finalement plus grave que prévu. Je me rappelle lors de mon dernier séjour au Cameroun avoir accompagné à l’hôpital l’une des comédiennes du spectacle qui avait fait une crise de fièvre typhoïde, l’autre mal qui ravage la région. Je me rappelle nous être entassés à plusieurs dans un taxi pour l’accompagner aux urgences, elle semi-comateuse, nous (moi surtout, moins habituée à assister à ce genre de crise) morts d’inquiétude. Je me rappelle l’attente aux urgences, sur un lit tenant plus du brancard. Je me rappelle nous être cotisés car avant toute chose il faut passer à la pharmacie de l’hôpital acheter tout ce dont le médecin aura besoin pour l’examen, thermomètre inclus. Sans argent, pas de prise en charge. Je me rappelle la salle d’examen à la propreté douteuse, les lézards sur les murs et la souris qui fit une apparition pendant que le médecin examinait notre amie. Je me rappelle l’hospitalisation de cette comédienne, l’un de nous repartant lui chercher des draps car l’hôpital ne les fournit pas. Je me rappelle un autre comédien refusant que je reste auprès d’elle durant la nuit et se dévouant pour le faire, car un proche doit rester auprès du patient : il n’y a pas assez de personnel pour que les infirmières fassent des rondes la nuit, c’est donc à l’accompagnant d’aller la chercher si quelque chose ne va pas, ou simplement pour l’avertir que la poche à perfusion est vide et qu’il faut la changer.

Autant dire donc que voyant ma fièvre monter je n’en menais pas large. Mais si le fait d’être Blanche me rend plus douillette face au virus, il me rend aussi privilégiée dans l’accès aux soins et dans le choix qui m’est offert. J’ai en effet bénéficié d’un médecin privé, venu me consulter à domicile (bon d’accord, je le connaissais par ailleurs et c’est une ami, mais il n’empêche…) et me prescrire un traitement radical qui m’a remise à peu près sur pied en quarante-huit heures. 

L’ami médecin s’est déplacé le premier soir pour m’injecter une dose de médicament miracle (« C’est la nouvelle molécule qui vient de sortir et qui remplace la quinine, bien plus efficace, ça a été inventée par les chinois » m’a-t-il dit. « Mais est-ce vraiment une bonne idée de me laisser injecter un truc chinois dans les fesses ? » ai-je eu le temps de penser du fond de mon coma fiévreux avant de sentir l’aiguille trouer ma peau), m’a veillée toute la nuit, s’assurant que je ne partais pas en convulsions fébriles, m’a refait une injection le lendemain matin, puis est revenu le jour suivant me piquer les fesses pour la troisième fois. Trois injections, suivies de trois jours de médication, le tout made in China, mais fort efficace car me voici aujourd’hui bon pied bon œil comme si rien ne s’était passé. Et en bonus, m’a promis l’ami médecin, je suis immunisée pour le reste de mon séjour. Ce n’est certes pas ainsi que j’imaginais ce qu’on appelle la médecine chinoise, mais je m’incline face au résultat. Seule ombre au tableau, ce traitement miracle a un prix, ridiculement bas pour moi, mais bien trop haut pour la majorité des gens que je fréquente ici : le prix de deux places assises de seconde catégories au concert de Maître Gims ! 


Le Cameroun c’est le Cameroun…

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