jeudi 4 mai 2017

Le Cameroun c'est le Cameroun -9-

J’ai retrouvé Mon Oiseau !

Lors de mon dernier séjour à Yaoundé, le centre de résidences artistiques OTHNI était encore en travaux. Durant les premières semaines de mon séjour, j’ai gratté les murs, poncé, lavé, récuré, repeint, participé aux travaux qui devaient permettre l’ouverture de cet incroyable outil de travail pour les artistes. Toute l’équipe du spectacle sur lequel je travaillais alors comme assistante a consacré des semaines de labeur acharné en soirée, après nos journées de répétitions, pour rénover le lieu en vue de son inauguration qui devait correspondre à la première de notre spectacle. Au bout de quelques jours, nous avions réussi à aménager à peu près correctement une chambre de résidence. Il y avait de l’eau, de l’électricité (du moins quand le quartier n’était pas victime de délestage), et Martin Ambara, le directeur du projet m’a alors proposé de dormir sur place, pour m’éviter de longs trajets en taxi à travers la ville. Je fus donc à l’époque la toute première personne à dormir à OTHNI, honneur que je porte encore aujourd’hui en bandoulière et dont je suis bien plus fière que de n’importe quelle médaille !

Au premier soir, je me suis donc couchée dans l’immense bâtiment vide. J’entendais la rumeur de la ville dans le lointain, et les chants des oiseaux autour de moi. Un hibou hulula dans un arbre proche cette nuit-là, ce qui nous valut par la suite bien des discussions, cet oiseau étant considéré comme porte-malheur au Cameroun.

C’est le lendemain matin à mon réveil que je l’ai entendu pour la première fois. Celui que j’ai appelé « Mon Oiseau », faute de savoir son nom, faute de savoir même à quoi il ressemble.

Son chant a enveloppé l’aurore qui rosissait le ciel. Un chant de soleil et de victoire. Un chant qui racontait la puissance et l’assurance d’être le maître d’un royaume. Un chant aussi qui, j’ai du moins voulu le croire, saluait notre installation à OTHNI et le départ de cette aventure artistique. Quelques notes parfaitement rythmées, à la mélodie composée par un orfèvre en arpèges. Un appel à l’harmonie que j’ai ensuite régulièrement entendu, couvrant de sa stridence tous les autres gazouillis. J’écoutais sa mélodie, le rythme de son chant, comme on écoute un hymne religieux. J’avais même à l’époque, imaginé commander à un musicien de composer la musique de l’un de mes spectacles en se basant sur ces quelques notes. J’ai rêvé de posséder quelque talent de musicienne ou de chanteuse pour pouvoir transmettre ce chant qui m’obsède.

Je me suis alors mise à scruter les buissons et les arbres. Ceux du jardin d’OTHNI, qui n’étaient à l’époque que de vagues touffes de presque mauvaise herbe, ceux de la végétation alentours. En face du grand portail d’entrée, un manguier, plus loin un avocatier, d’autres arbres dont j’ignore le nom… J’y ai vu de petits oiseaux un peu ternes, ressemblant à des moineaux, qui gazouillaient. De grands oiseaux au ventre jaune vif et à la tête noire qui piaillaient. Un genre de grands corbeaux au ventre beige qui croassaient. Des serins qui s’affairaient en trillant…

Mais je n’ai jamais vu Mon Oiseau. Je ne sais pas s’il est grand ou petit, terne ou coloré. De lui je ne connais que son chant qui jaillit dans l’atmosphère aux moments les plus inattendus, le plus souvent au crépuscule.

Cette année, en arrivant à Yaoundé début avril, j’ai repensé à lui, Mon Oiseau, et je me suis demandé si son chant viendrait saluer mon arrivée. Mais rien. Le ciel bruissait de gazouillements, de stridulations, de pépiements, mais de son chant point. J’en suis venue à me dire que j’avais rêvé, que cet air n’existait que dans mon imagination, qu’aucun oiseau n’était capable de tant de perfection.

Et voilà que hier soir, au moment où je ne l’attendais plus, son chant a troué la nuit qui s’avançait. Quelques notes triomphales qui m’ont mis les larmes aux yeux. Il était là. Il était de retour. Mon Oiseau. Je me suis précipitée hors de ma chambre, j’ai scruté les arbres, les buissons d’OTHNI qui depuis sont devenus de beaux arbustes enchantant le jardin intérieur de la résidence. Mais je ne l’ai pas vu. Il restera à tout jamais cet inconnu dont le chant m’inspire harmonie et puissance, dont les trilles me soufflent que la vie est un soleil.


Le Cameroun c’est le Cameroun…

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