dimanche 16 avril 2017

Le Cameroun c'est le Cameroun -5-

« Cent francs Manguiers carrefour Beignets »
« Deux places Titi Garage »
« Cent cent Madagascar niveau Carrière »

S’il est un talent dont on a oublié de me pourvoir à la naissance, c’est bien du sens de l’orientation. Mon incapacité légendaire à retrouver mon chemin même dans les situations les plus simples est ici mise à rude épreuve. Je repense tous les jours à cet ami qui m’avait surnommée « GPS », « Ge me Perds dans mon Salon » tant la topographie de Yaoundé et la manière de s’y déplacer restent un mystère pour moi. 

Le mode de transport le plus utilisé ici est le taxi collectif. Des voitures jaunes qui, si elles ont la couleur des taxis new-yorkais n’en ont pas le confort, sillonnent sans relâche la ville dans tous les sens et peuvent prendre jusqu’à six passagers, quatre derrière et deux devant. Les gens montent et descendent au gré de leurs destinations, et les chauffeurs de taxi embarquent et débarquent leurs clients selon des indications d’adresses aussi hermétiques que poétiques puisque les rue ne portent ici que rarement de noms, et que les quartiers et les carrefours portent des noms abracadabrants sortis de l’histoire oubliée du lieu.

En théorie, la méthode est simple. On se place sur le bord de la route, du côté correspondant à la direction dans laquelle on veut aller et on attend. Tout taxi ayant une place libre va ralentir et klaxonner. On crie alors sa destination au chauffeur, et éventuellement la somme qu’on est disposé à payer pour cette course ou le nombre de places. Si le chauffeur accepte la course il klaxonne à nouveau d’un coup bref, et vous embarquez, sinon il accélère et passe son chemin. 

La vie à Yaoundé se passe ainsi entre coups de Klaxon et proférations d’itinéraires surréalistes. Un trajet normal en ville, quelle que soit sa durée, coûte normalement 250 francs CFA en journée et 300 à partir de 22 h. Mais si le trajet effectué est particulièrement long, on proposera au chauffeur 300, voire même 400, et si au contraire il est très court, on proposera alors de nous y emmener pour 100 francs. Si on est deux, on pourra annoncer « Cent francs carrefour Bastos deux places », ou même mieux, « cent cent carrefour Bastos » ! 

J’avais jusqu’ici presque toujours réussi à trouver une bonne âme pour m’accompagner dans mes pérégrinations, et je suis à vrai dire peu sortie, tout occupée que je suis par l’animation de mon atelier. Mais aujourd’hui est venu le jour où tout le monde en a eu marre de me servir de chaperon et où j’ai dû affronter seule la jungle urbaine. L’ami chez qui je me rendais m’a dit : « Tu prends un taxi et tu dis au chauffeur Cité-Verte, montée Renaule niveau Express Union. Tu nous appelle quand tu arrives et on viendra te chercher. » 

Il faut dire qu’il avait auparavant tenté de m’expliquer comment arriver chez lui : « Tu descends du taxi face à Express Union, tu traverses, sur ta gauche il y a un tas d’ordures, tu le contournes tu traverses le garage, tu descends un peu et puis à droite et tu verras un peu plus loin des maisons avec des portes bleues la mienne c’est la troisième. »

Ou quelque chose comme ça. Je ne me rappelle plus très bien. Ce dont je me rappelle par contre, c’est la panique qui m’a envahie et qui a dû se lire dans mon regard à l’énoncé de cette adresse qui n’en est pas une, car l’ami s’est immédiatement interrompu et m’a dit « bon, appelle quand tu arrives face à Express Union, je viendrai te chercher » !

Qui sait, s’il ne l’avait pas fait, je serais peut-être encore en train d’errer quelque part dans les méandres de cette villes où les rues n’ont pas de nom et les maisons pas de numéros.


Le Cameroun c’est le Cameroun…

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