dimanche 23 avril 2017

Le Cameroun c'est le Cameroun -7-

Les Camerounaises et les Camerounais aiment parler, papoter, bavarder, causer… Leurs principaux sujets de conversation tournent autour de l’argent, du sexe et du football. Interdisez-leur d’aborder ces trois sujets et le pays sombrera dans un silence de cathédrale !

Mais depuis que je suis arrivée, un autre thème fait bruisser les conversations : le concert de Maître Gims au stade Amadou Ahidjo, le grand stade omnisports situé à quelques centaines de mètres de l’endroit où je suis logée ! 

Aussi, bravant les moqueries de mes amis et le désespoir de mon fils (« Maman si tu fais ça, genre je te renie, hein ! ») j’ai acheté un billet pour le show. 

Renseignements pris auprès des habitués, l’amie qui avait décidé de m’accompagner et moi avons décidé de nous rendre au stade pour 18 h environ, afin d’éviter la cohue à l’entrée. Les portes devaient ouvrir à 16 h selon le billet que j’avais entre mes mains, le concert de la star étant prévu à 20 h. Mais nous savions que deux jours auparavant son concert de Douala avait commencé à 22 h. Nous nous apprêtions donc à attendre longtemps, ce qui est une autre spécialité camerounaise.

Aux environs de 18 h 30, après avoir franchi les stricts contrôles de sécurité, nous voici installées sur les gradins du stade. Nous avions choisi de payer des billets de seconde catégorie, à 5000 FCFA (environ 8 €) afin de bénéficier de places assises et d’éviter les bousculade de la foule massée debout sur la pelouse. Les billets se vendaient de 2000 CFA (environ 3 €) pour les places debout à 50 000 FCFA pour les places en loge présidentielle. Nous observons amusées le ballet du public qui s’amasse petit à petit sur la pelouse, quelques resquilleurs poursuivis par les hommes de la sécurité reconnaissables à leurs tenues jaune canari et à leurs coups de poings faciles. Je suis toujours impressionnée par la rapidité avec laquelle les altercations en viennent aux mains, dans l’indifférence quasi générale, et avec quelle rapidité la sauce retombe après quelques coups bien placés. Cette violence physique me heurte, mais elle semble ici faire partie du mode de vie. 

Les heures passent, différents DJ’s et animateurs locaux se succèdent sur scène pour faire patienter le public. Des vendeurs et des vendeuses de tout et n’importe quoi se baladent dans les gradins. Nous qui pensions assister à un concert devant un stade bondé, force est de constater que le public peine à arriver. Les gradins sont presque entièrement vides, et sur la pelouse, quelques milliers de personnes se pressent au devant de la scène, couvrant à peine un quart de la surface à disposition.

Aux environs de 20 h, l’ambiance monte d’un cran. Sur scène, des chanteurs dont la foule connaît les refrains par coeur se succèdent. Dans le public, les mouvements de foule se font plus agressifs et nous nous félicitons d’avoir pris un peu de hauteur. 

À 22 h 30, un rappeur de Yaoundé chauffe le public à bloc. L’animateur lui succède pour annoncer l’arrivée imminente de la star tant attendue. Le public hurle de joie… et se fait doucher ! C’est en effet un violent orage qui prend possession de la scène, obligeant les spectateurs à chercher un abri là où c’est possible. Trempées, mon amie et moi redescendons d’un étage pour nous réfugier sous les escaliers du stade, qui n’est pas couvert. La pelouse est désertée, la sécurité débordée par la masse de gens qui sautent par dessus les grilles pour se mettre à l’abri des gradins inférieurs, ceux des places à 10 000 CFA. Quelques jeunes courageux, ou assez imbibés de substances diverses et variées pour ne pas ressentir les effets de la pluie, se lancent dans un match de foot improvisé au moyen d’une bouteille d’eau vide en guise de ballon. Aussitôt, les gradins entrent dans le jeu et applaudissent chaque passe comme s’il s’agissait d’un coup franc botté par Cristiano Ronaldo ! Nous admirons la bonne humeur et le fatalisme avec lequel les spectateurs prennent l’interruption.

Au bout d’une heure environ, la pluie se calme. Nous regagnons nos places, entamons de sécher nos sièges avec quelques mouchoirs en papier et reprenons là où nous en étions, c’est à dire à l’attente. Le public a progressivement réintégré la pelouse, quelques personnes de l’organisation commencent à chasser l’eau de la scène. Les minutes passent et rien ne se passe. L’impatiente commence à se faire sentir, et l’atmosphère dans le stade a changé. Des groupes de jeunes, des enfants de la rue complètement défoncés à la colle, ont profité de l’orage pour forcer les grilles et pénétrer illégalement dans le stade. Ils se baladent dans les gradins, nous apostrophent, essaient de nous intimider, veulent prendre mes chaussures… 

Minuit et demie. J’ai froid. J’ai déjà eu froid certains soirs depuis que je suis ici, mettons qu’il s’agissait plutôt de frissons, d’une sensation de fraicheur. Mais là, l’humidité et la fatigue aidant, c’est d’un froid européen qu’il s’agit. Un de ces froids qui vous contractent les muscles du dos et qui vous paralysent. 

Sur la scène, depuis quelques minutes, les techniciens s’emploient à tenter d’installer une gigantesque bâche en plastique sur le toit de la scène. À notre question de Blanche de savoir pourquoi ils font ça maintenant et qu’ils ne l’ont pas fait avant la pluie il nous est répondu, « Ben c’est s’il se remet à pleuvoir… » Logique ! 

Tous les quarts d’heures environs, mon amie et moi nous demandons si nous restons ou si nous rentrons. Tentées d’abandonner la partie vaincues par la fatigue, le raz-le-bol, la pluie, le froid, mais frustrées d’avoir tenu jusque là, attendu si longtemps pour rien. 

Sur scène, un homme s’obstine à répéter au public qui se masse contre le devant de la scène « Reculez, reculez »… Sans autre effet que d’exaspérer un peu plus la foule déjà à cran. 

Enfin, à près de deux heures du matin, le public a reculé, les barrières de sécurité qui avaient été enlevées par les spectateurs pendant l’orage ont été replacées, la bâche est tant bien que mal fixée au toit, la star est annoncée et Maître Gims fait son entrée sur scène sous l’ovation d’une foule qui dans la seconde a tout oublié : l’attente interminable, la pluie, les coups de poings de la sécurité ! Il aura suffi qu’il apparaisse pour que tout rentre dans l’ordre, et que le show se déroule comme s’il avait commencé à l’heure.

Et le concert dans tout ça, me direz-vous ? Eh bien, si l’on considère que Maître Gims est à la musique ce que le steak de soja est à l’entrecôte saignante, ce n’était pas si mal. Il a fait le job, enchaînant les tubes et haranguant la foule à coups de « Vous êtes là Yaoundé ? » Rien d’original, mais une énergie sincère et un public reprenant en choeur les tubes qu’il connaît sur le bout du doigt. Bref, « ça a fait le café » comme dirait mon ado de fils !


Le Cameroun c’est le Cameroun…

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